DESSINS A L'ENCRE DE VALENTINE ALAQUI
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DESSINS VALENTINE ALAQUI
“D’habitude, il y a
les mots. Les mots sont là, ils se posent comme ils peuvent et, si je ne sais
pas quoi penser, ils m’aident à le faire. Et puis cette fois, les mots n’ont
pas volé à mon secours. Ils étaient partis, absents.
Le réel refusait
d’être nommé.
Restait l’encre qui
n’avait plus de forme à tracer.
Alors mon cœur a
coulé au bout de mes doigts. L’encre a abandonné les lettres et s’est mise à
jaillir en taches, en coulures, en larmes. Et la sueur colorée s’est mise à
prendre forme, à révéler ce qu’elle savait et que j’ignorais.
L’encre a dessiné
des oiseaux, des femmes, des femmes-oiseaux.
L’oiseau me dévore, je suis
l’oiseau.
Pour se battre il
faut faire face à l’adversaire. Le dessin a restitué l’image manquante. Mes
monstres et mes fantômes étaient là, enfin je les voyais, le combat pouvait
commencer. Mes dessins sont devenus mes batailles.
Les arbres qui
calment l’âme, les armées rassemblées, les batailles à poings fermés, les
calligraphies du cœur, les femmes debout, les femmes-arbres qui s’élancent, les
femmes-loups obstinées, les femmes-oiseaux perchées, les femmes qui dansent en transe, les gouttes de
tristesse, les hommes bleus désarticulés, les horizons espérés, les
illuminations qui vibrent, les mots qui s’imposent, les oiseaux qui font peur,
les petits soldats sérieux, les phrases qui jaillissent, les planètes qui
gravitent, les portraits inconnus, les soldates prêtes à combattre, les taches
d’encre qui cherchent la faille…
Un univers autonome est né, un monde s’est
créé où je pouvais me réfugier. Papier, terre d’asile.
J’ai dessiné comme
on pleure, j’ai crié comme on survit.
Les mots, soutenus
par la couleur, sont revenus dans ma bouche. La douceur même, parfois, a
désormais de nouveau de la place pour respirer.”
Valentine Alaqui